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Contenu national
Thème
Migrants
Commune
La Réunion

Des migrants comoriens qui souhaitent leur avenir à la Réunion

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Texte

À l’occasion du précédent récit nous avons découvert les conditions de la traversée des Comores jusqu’à l’île de la Réunion. Une fois sur le sol réunionnais, le combat des migrants continue. Ils sont souvent marqués par leur traversée, ils ne savent pas comment s’intégrer, ils subissent un racisme omniprésent ou entendent des remarques blessantes.

« Pendant 4 mois, je suis restée à la maison, je n’étais pas bien : je pensais tout le temps à ce qui s’est passé. Quand je fermais les yeux, je revoyais ces enfants qu’on jetait par-dessus bord. Je me disais : « J’étais là, je n’ai pas pu sauver ces enfants-là ». Mais après je me disais : « Tu ne pouvais pas faire le héros ». Parfois, à 2h du matin je me réveille en criant « Non, non, non !»  C’est pas des trucs où tu fermes les yeux et ça disparaît - c’est impossible. Je pense que jusqu’au jour où je vais quitter ce monde, ce sera toujours là ».

« Et puis, je me suis dit : « Il faut pas que je reste déprimé tout le temps parce que ça ne changera rien ». Il faut aller de l’avant. Je suis en vie, je suis là, je ne suis pas le seul qui essaie de traverser des frontières compliquées. Il faut que je me fixe sur mon destin, il faut faire quelque chose pour m’en sortir. Parce qu’il y en a beaucoup qui essaient de venir, mais ils sont partis en mer, et moi je suis là. Et parce qu’on m’attend de l’autre côté quand même ».

Une fois sur place, la plupart du temps, ils se raccrochent à quelque chose, à une pensée, à un but et ils comprennent qu’il leur faudra être patients et combatifs s’ils veulent atteindre leur objectif.

« Je pense que tout le monde a ses petits secrets. Il y en a qui sont riches, milliardaires. Moi je ne suis pas riche, mais j’ai un truc où je suis sûre de moi, j’ai eu la bénédiction de ma mère. Et ça c’est important ».

« La patience compte aussi dans la vie. À un moment donné, tu en as marre, tu te dis : « Ça fait 2 ans que je suis dans "la merde" !». Mais il y en a qui sont dans "la merde" pendant 20 ans et au bout de 25 ans, ça change ! J’en ai vus beaucoup à Mayotte, ils arrivent et au bout de 6 mois, s’ils n’ont pas débloqué la situation ils préfèrent rentrer au bled. Je dis que non, ça ne se passe pas comme ça.  Chacun a son jour de chance. Il faut garder l’espoir parce qu’à chaque fois qu’on respire il y a toujours l’espoir ».

« Il y en a certains qui rentrent à la mosquée –des musulmans– ils prient une semaine, ça ne change pas, ils arrêtent. Ça ne se passe pas comme ça. Quelle que soit ta religion, peu importe que tu sois chrétien ou juif, c’est important de prier. La prière c’est important, il faut le faire ; la prière, c’est une clé qui débloque plein de trucs ».

Beaucoup de ces migrants s’investissent dans la société, car ils veulent apporter quelque chose, construire ici et créer des liens.

« Aujourd’hui je suis avec des associations pour faire quelque-chose. Je ne peux pas faire de grandes choses tout de suite, je fais des petites choses. On se bat tous les jours pour donner le sourire à des gens qui ont des difficultés. J’ai suivi une formation à l’accueil, au secourisme, et au mois de janvier je vais faire le niveau 2. Cela va me permettre plus tard de devenir agent ambulancier ou pompier ». 

« Grâce au Secours Catholique, j’ai des amis. Je vis au jour le jour et si j’ai des petits soucis, si j’ai envie de parler, les gens de l’association sont là. Ils disent : « Dans un an, tu ne seras plus là » ; mais je vais faire tout mon possible le week-end pour être là, soit au café de rue soit ailleurs, parce que ça restera toujours ma famille. Pour moi, la famille, c’est ceux qui sont là dans les moments difficiles ».

« Aujourd’hui je prie pour que La Réunion soit chez moi –la Réunion et les Comores. Je ne compte pas repartir d’ici parce que quand tu laisses tes amis ça fait mal à chaque fois. Arrivé sur un territoire inconnu, tu ne connais personne, tu ne peux pas te faire un ami en 3 jours, quelqu’un qui te fait confiance, qui te dit « demain tu viens, tu manges chez moi ». Pour que ça arrive il faut des années »