À la rencontre de ceux qui vivent dans des logements insalubres
Dans l’île, cent mille personnes connaissent de nombreux problèmes de logements selon le rapport de l’Abbé Pierre. Plus de dix-huit mille bâtis sont recensés comme indignes et plus de trente mille personnes n'ont pas accès à de l'eau chaude. Avoir un toit au-dessus de sa tête est primordial pour tous, plusieurs associations sont mobilisées sur le sujet. Au Secours Catholique, nous orientons les personnes qui souffrent de mal-logement vers les services et associations compétentes, les écoutons et aidons dans certains chantiers. Voici le témoignage de deux d'entre elles survivant dans des logements insalubres.
V., 27 ans, maman d'un enfant vit dans un logement social insalubre
V., jeune femme de 27 ans, a fait une demande de logement social qui a abouti. Alors qu'elle pensait prendre un nouveau départ en prenant son propre logement, elle s’est rapidement retrouvée dans une situation pire que précédemment : « J’ai décidé de prendre un appartement quand j’ai eu mon garçon. Au bout de trois mois, j’ai vu qu’il y avait des tâches au niveau des toilettes, mais pour moi ce n’était rien, jusqu’au moment où la période de fortes pluies est arrivée, et à partir de ce moment-là, c’est parti tellement vite que je n’ai même pas pu réagir avant que ça ne commence à se dégrader. Toutes les pièces de mon appartement avaient des infiltrations d’eau – au sol, au plafond. ». Aujourd'hui de l'eau coule régulièrement du plafond, des moisissures sont présentent dans toutes les pièces et de l'eau ressort du carrelage au sol.
Pour être relogée dans un logement décent, les démarches sont longues et demandent énormément d'énergie. Parfois elle se retrouve perdue et ne sait plus quoi faire : « On m’a conseillé d’appeler le Service de maintenance de mon bailleur, mais ce dernier m’a répondu qu’il ne pouvait rien faire pour moi. Donc je suis passée par quelqu’un de connu pour ce genre d'affaires, qui m’a aidée dans mes démarches, j’ai fait tout ce qu’il fallait : courriers, sollicitations de la CAF, suspension de mon aide au logement. En vain. Cela fait maintenant plus d’un an que j’habite avec mon fils dans un logement insalubre. Malgré mes démarches, je suis toujours dans la même situation… »
Pour éviter de voir un logement « sale », où elle a honte de recevoir et où elle a l’impression que cela se répercute sur la santé de son fils de 2 ans, elle essaie de sortir un maximum de chez elle quand elle peut : « Je fuis mon appartement, je cherche à faire beaucoup d’activités à l’extérieur, et vu que je suis bénévole au Secours Catholique depuis un bon moment, je m'implique davantage dans les actions. Même si je ne parle pas forcément de mes problèmes à tout le monde, je me sens bien parce qu’il y a une atmosphère qui fait que je ne me sens pas seule dans cette situation et je me sens soutenue. Ça me rapporte du réconfort en étant bien entourée. »
Lisa, 94 ans vit depuis des années dans un logement insalubre
Aujourd’hui âgée de 94 ans, Lisa vit dans une case en bois sous tôles très ancienne, sur un terrain en pente traversé par des racines. Le toit, notamment, est dans un état de délabrement avancé, et certains ouvrants ne sont pas étanches, d’où un problème d’infiltrations. Les WC, très rudimentaires et sans cuvette, sont situés au fond du terrain ; Lisa, qui ne voit plus très bien et se déplace difficilement, ne peut plus y accéder et doit utiliser un seau. La "salle de bains" consiste en une cuvette d’eau froide située au bout de la terrasse. C’est là où elle fait sa toilette ! L’installation électrique est antique et jusqu’à récemment des fils électriques pendouillaient un peu partout. Grace à l’intervention du Secours Catholique, une amélioration a été apportée de ce côté-là, et des boîtes ont été posées pour protéger les fils, mais l’installation est toujours apparente.
Lisa dit avoir toujours vécu dans cette maison depuis son mariage. Veuve depuis longtemps, elle vit seule ; des trois enfants qu’elle a mis au monde, le seul encore en vie est en métropole. Cependant, Lisa ne souhaite pas être relogée en maison de retraite – elle ne veut pas quitter la maison et le quartier où elle a passé toute sa vie et où elle a ses habitudes.
Même si elle vit seule, Lisa n’est pas isolée. Pour ses besoins au quotidien, elle bénéficie de soins à domicile et de l’aide de son entourage : voisins, parents, bénévoles du Secours Catholique viennent la voir régulièrement et suivent les dossiers la concernant. Lisa a travaillé toute sa vie comme "nénène" chez une famille aisée de la région où elle était très appréciée, et des membres de cette famille rendent visite également à celle qui les a vus grandir. Grâce à cette solidarité, l’intérieur de sa maison - où une grande photo du pape Jean-Paul II trône au salon - est propre et bien entretenu. Les visites sont l’occasion pour elle d’évoquer des souvenirs du temps lointain - même si elle s’y perd un peu - et d’offrir aux visiteurs un beau sourire.
Reste la question de l’insalubrité de sa maison. Le plus urgent, c’est sans doute la toiture: dès qu’il pleut, l’eau ruisselle le long des murs et envahit la case. Au vu de sa situation, Lisa pourrait prétendre à une aide pour l’amélioration de son habitat, mais pour cela il faudrait présenter un titre de propriété, et elle n’en a pas. Michel, le référent personnes âgées au Secours Catholique rappelle que cette situation est courante : « Beaucoup de personnes âgées qui sont propriétaires de leur maison ne peuvent pas le prouver, faute d’acte notarié. Il existe des fonds pour aider ces personnes à obtenir leur titre de propriété, mais il manque des agents sur le terrain pour aller vers ces personnes et les accompagner dans la démarche. Les aides n’arrivent pas à ceux qui en ont besoin. Le montant de ces budgets est même en baisse, justement parce que l’argent n’est pas utilisé ! Mais si on ne va pas vers eux, les personnes âgées ne demandent rien – elles ignorent le plus souvent qu’elles y ont droit, et elles ne peuvent pas faire la démarche seules.»
Le Secours Catholique tente depuis plusieurs années de faire en sorte que les réparations nécessaires soient effectuées et que le logement de Lisa soit remis aux normes. Mais les dossiers se heurtent aux obstacles administratifs et restent sans suite. Une nouvelle demande vient d’être faite, et sera portée aux instances compétentes par des élus du conseil départemental. « Il y a tellement de cas comme celui-là ! soupire Michel. L’administration précédente à tout misé sur les maisons de retraite, mais ça n’est pas ce que souhaitent les personnes âgées – elles demandent à rester chez elles, mais dans des conditions dignes. »