Des cafés de rue qui réchauffent le cœur
Certains discutent sous les barnums installés de part et d'autre de la place. D'autres papotent assis sur les bancs ou sur les marches de la cathédrale. D'autres préfèrent bavarder debout. Pendant ce temps, les bénévoles, s'ils ne sont pas en conversation avec les bénéficiaires, s'affairent au petit local pour beurrer des tartines, remplir les cafetières, sortir les compotes et les viennoiseries... un samedi matin et le café de rue bat son plein.
Ce rendez-vous est devenu presque incontournable pour les sans-abris de Saint-Denis et pour d'autres qui viennent chercher un échange fraternel, un peu de chaleur humaine et de bonne humeur. Ils sont une bonne quarantaine à venir tous les samedis. Au fil du temps, ils ont appris à se connaître, à connaître les bénévoles. Sur la place de la cathédrale, on a moins l'impression d'assister à une action solidaire qu'à des retrouvailles entre amis.
Né il y a 5 ans, le café solidaire de Saint-Denis est le premier café de rue organisé à La Réunion par le Secours Catholique. Paul, un jeune bénévole, a démarré cette action à l'église Saint-Jacques, avec deux thermos et quelques paquets de biscuits secs. Il a été très rapidement rejoint par une autre bénévole Claire-Marie. Cette initiative est née suite à une participation des Young Caritas (jeunes bénévoles) à un café de rue, à Paris.
« Ce n'était pas du tout à la même échelle, raconte Paul, il y avait beaucoup plus de monde. Mais cela nous a vraiment charmés. Et j'étais dans une période où je voulais faire quelque chose, faire le bien autour de moi. » D'où l'idée de faire pareil à Saint-Denis.
Au début, les sans-abris étaient peu nombreux à venir. Puis, l'occasion s'est présentée de louer un local sur la place de la Cathédrale. Le café de rue s'est déplacé, on a repeint le local, rénové et équipé la cuisine, fabriqué des meubles à partir de palettes, apporté des jeux de société.
« Le concept était d'avoir un café solidaire fixe, un lieu axé sur l'échange humain, explique Paul. Les bénéficiaires venaient participer aux travaux de rénovation, on a noué des relations spontanées, naturelles. Les gars se sentent tranquilles ici. »
Le café solidaire a ouvrait deux fois par semaine ; l'équipe se retrouvait avant et faisait des gâteaux, en privilégiant les produits bio pour offrir des produits de qualité. Mais le thé ou le café est avant tout, comme le souligne Paul : « une excuse pour partager ensemble un moment convivial. »
La crise sanitaire a mis en veille les rencontres à l'intérieur du local, mais, en attendant la reprise de celles-ci, le même esprit fraternel règne dans les petits groupes qui se retrouvent dehors, sur la place.
Quant à l'équipe de bénévoles, elle a grossi au point où il y a désormais deux groupes fonctionnant en alternance, même si beaucoup viennent toutes les semaines, pour le simple plaisir d'être là. Au début, l'action était menée essentiellement par Young Caritas, mais aujourd'hui, ce n'est plus le cas. « Maintenant, c'est Old Caritas ! » plaisante Robert.
Robert, c'est un des piliers de l'équipe, ou plutôt le chef d'orchestre, celui qu'on appelle "le patron" : « mais juste pour plaisanter ! », insiste-t-il. Avec lui, l'ambiance est garantie : « Sans Robert, c'est triste ! », sourit Carina, une autre bénévole. Et pourtant Robert n'a pas toujours rigolé, ayant connu la galère de la rue, il a remonté la pente quand il a rencontré Claire-Marie. Le bénéficiaire est devenu bénévole, et bénévole avec humour. « Chacun sait ce qu'il y a à faire, dit-il, moi je chapeaute tout ça et je mets de l'ambiance ! »
Carina essaie de venir tous les samedis. Pour cette bénévole de Saint-Louis, trouver “les petits gars“, ça fait du bien. Marie, infirmière en pause qui agit avec Young Caritas et va aussi à la maison Béthanie, au Chaudron, retrouve dans le bénévolat ce qui la motive dans son métier. Elle aussi se réjouit de l'ambiance fraternelle : « On ne fait pas que distribuer la nourriture ». Christelle est du même avis. Avant d'arriver à la Réunion, cette chrétienne pratiquante était déjà bénévole au Cameroun et, en tant que travailleur social, elle donne un coup de main pour traiter les dossiers, mais ce qu'elle aime au café de rue, c'est le contact humain.
La chaleur de l'accueil séduit forcement les nouvelles bénévoles - Jocelyne, par exemple, qui a rejoint l'équipe après avoir organisé au Centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) où elle travaille, une distribution de colis alimentaires aux étudiants. Ou encore Audrey, qui vient pour la première fois et ne savait pas trop comment faire, en arrivant: « C'est les gens qui sont venus vers moi pour discuter. C'est une bonne action pour contrer les préjugés et découvrir l'humain. »
Henri : « on rit quand on veut, on rit quand on peut », incarne ce bel échange entre bénévoles et bénéficiaires. Originaire de Dunkerque, marié à une Réunionnaise, Henri est depuis longtemps un habitué de ces samedis matin conviviaux et contribue grandement à la bonne ambiance sur la place. « Les gens sont sympas, ils s'occupent bien de nous, matériellement et moralement, dit-il. On se connaît tous , on est des amis maintenant ! »
Comme le dit Carina : « Il y a un peu de fraternité qui existe encore, malgré la situation. » Le café de rue à Saint-Denis en est une preuve vivante qui réchauffe les coeurs.
Le café de rue est un moment où tous les bénévoles écoutent, parlent avec leurs cœurs pendant ce moment de partage.