Koz Café et vestiaire mobile à Salazie
Ce mercredi matin, c'est dans un cadre grandiose et verdoyant que les bénévoles du Secours Catholique ont installé les barnums, déballé les cartons de vêtements, disposé les jouets dans l'espace enfants, les gobelets et autres thermos pour les adultes... Le Koz Kafé et la boutique de fripes se sont déplacés à Salazie.
Une dizaine de bénévoles, venus de Saint-Benoît, Sainte-Rose, Saint-Denis et même Ravine-Cabris, se sont retrouvés sur la petite place à côté de l'église, en face de la grande case créole transformée en mairie, pour rencontrer une population souvent laissée à l'écart. Daniel, référent territorial pour (entre autres) le café de rue et vestiaire mobile, explique : « Dans les Hauts, les gens sont pudiques. Ils ne descendent pas là où nous avons nos locaux, nos boutiques. Notre but, c'est d'être visibles et - surtout - d'être à l'écoute. Voilà notre objectif : écouter, et aller vers les gens ».
Bien visibles, ils l'étaient, dans leur T-shirt bleu ou orange ! Les bénévoles, secondés par quatre salariés de la délégation, proposaient un café ou un thé aux passants et aux curieux... et engageaient la conversation avec ceux qui le voulaient bien. Et ils ont été nombreux à le vouloir ! « Toute la matinée on a eu du monde ! » se réjouit Anna, une bénévole de Saint-Benoît qui s'occupait du vestiaire mobile. Daniel acquiesce : « On a été agréablement surpris. On a bien eu affaire aux gens à qui on s'adressait. »
C'est seulement la deuxième fois que l'on tente l'expérience d'un Koz Kafé et vestiaire mobile - la premier s'est tenu à l'Éperon, dans les Hauts-de-Saint-Gilles, en décembre dernier. Mais c'est une expérience appelée à être renouvelée de plus en plus souvent. « Aller vers les gens, c'est vraiment ce qu'il faut faire » estime Gillette, qui est venue de la Ravine-des-Cabris pour participer. « Ceux qui sont vraiment dans le besoin ne viennent pas nous voir. Dans un local du Secours Catholique, ils ont l'impression de quémander de la charité. Ils ont peur que les autres gens les voient. Ici, ils se livrent davantage, ils se découvrent. »
Certains "visiteurs" connaissaient le Secours Catholique, d'autres non. Pour ceux qui le souhaitaient, une petite équipe de bénévoles de Saint-Benoît proposait une "écoute spirituelle" avec un temps de prière à l’église ; d'autres se retrouvaient autour du vestiaire pour d'autres types d'échanges. « Les gens ont besoin de se libérer » dit Denise, l'une des bénévoles. « Ils demandent quand est-ce qu'on revient - ils ont vraiment besoin de parler, » renchérit Gillette.
Franck fait partie des "visiteurs". Il était plutôt sur la défensive quand il est passé par là ce matin : « Quand on est dans le besoin, dit-il, c'est dur de demander de l'aide. Moi, j'ai préféré m'isoler. Si tu es dans la rue, tu n'as pas de valeur. » Puis Daniel l'a interpellé : « Viens prendre un café, pose-toi ! » À présent, Franck discute tranquillement avec Prisca, une bénévole de Sainte-Rose, et rigole quand on le prend pour un bénévole aussi ; tout à l'heure il repartira avec le sourire en lançant à l'équipe "à la prochaine".
Le Koz Kafé a bénéficié d'un très bon accueil de la part de la paroisse, ainsi que de la mairie. L'événement a été annoncé à la radio, à la messe, par la centre communal d'action sociale (CCAS) et sur les réseaux sociaux, mais le bouche-à-oreille a fonctionné aussi. Plusieurs personnes présentes ce matin ont d'ailleurs promis de relayer l'information, et d'apporter la prochaine fois des vêtements à donner. Certains n'ont pas attendu "la prochaine fois" et sont revenus, en début d'après-midi, les bras chargés - un bel exemple de l'esprit de partage et d'échange qui fait partie de l'identité réunionnaise.
L'action a d'ores et déjà porté d'autres fruits : Michelle, la présidente du Secours Catholique de La Réunion, a eu la fierté d'annoncer qu'avec l'aide du curé, une nouvelle équipe s'est formée, ce jour-même à Salazie ! Elle se réunira dès la semaine prochaine. Quel bilan notre présidente fait-elle de cette journée ? : « Les gens étaient contents de voir qu'on s'occupait d'eux et pas uniquement de ceux des Bas, dit-elle. Il y a vraiment un isolement, une solitude, un besoin qui vont au-delà de l'alimentaire. Les gens ont besoin d'une relation fraternelle. Cette expérience a été très formatrice et me réconforte dans l'idée qu'il ne faut pas rester entre nos quatre murs - il faut aller vers les gens ! »
Il faut croire que le ciel est de cet avis aussi, car dans une région renommée pour sa pluviométrie, il a fait beau à Salazie pendant toute la durée du Koz Kafe !
